La ville de Bristol, berceau du trip-hop au début des années 1990, abrite aussi depuis 40 ans une autre activité artistique, tout aussi internationale nommée la claymation, autrement dit l’animation en pâte à modeler.

À travers les studios Aardman, créateurs de Wallace et Gromit, Chicken Run ou Pirates, bons à rien mauvais en tout, c’est un artisanat éminemment ludique, concurrent aujourd’hui de la triade des studios américains (Pixar, Disney, Dreamworks) sur le terrain du long métrage destiné à un jeune public qui se fait jour.

Si cette technique rayonne aujourd’hui en Europe, son histoire a débuté à Hollywood, il y a plus d’un siècle. Retour sur la genèse extraordinaire d’un art méconnu qui, du cinéma muet au petit écran en passant par Michael Jackson, MTV et Frank Zappa, irrigue de sa créativité tout azimut les formes visuelles du XXe siècle.

Débuts cinématographiques de la plasticine

Inventée à la fin du XIXe siècle sous le nom de plasticine et commercialisée dès 1908, la pâte à modeler intéresse rapidement les réalisateurs car sa malléabilité permet de créer des effets spéciaux à moindre frais. L'un des maîtres en la matière sera le génial concepteur Ray Harryhausen.

De Sledgehammer, de Peter Gabriel, en 1986 dont les parties animées sont confiées à Peter Lord, le cofondateur d’Aardman à My baby just cares for me, de Nina Simone, en 1987, la musique semble le véhicule idéal pour la claymation.

"True magic is seeing two things at the same time — a beautiful puppet and a living thing."

Peter Lord

Will Vinton, oscarisé en 1975, parvient à mettre en scène en 1985 le premier film intégralement réalisé en pâte à modeler. Avec The Adventures of Mark Twain, le réalisateur démontre que la pâte à modeler peut jouer autre chose que des seconds rôles, tant et si bien que les studios Vinton explosent.

Cinq ans plus tard, Burton flaire le potentiel de la pâte à modeler et confie la réalisation de L’Étrange Noël de Mr Jack à Henry Selick, son ancien collaborateur chez Disney entre autre sur Rox et Rouky. Première production en claymation pour un gros studio (Touchstone Pictures, une branche de Disney en l’occurrence), ce film acclamé par la critique et devenu culte depuis, propulsant cette technique artisanale de stop motion en haut de l’affiche.

Fondé en 1972 par deux amis d’enfance, Peter Lord et David Sproxton (rejoints en 1985 par Nick Park), Aardman Animations remporte plusieurs oscars et contribue à faire une belle part pour l'animation en plastiline au cinéma. Bourrés de clins d’œil destinés aux adultes (un hommage à Ghost dans Rasé de près par exemple), les films revisitent les grands classiques cinématographiques dits sérieux comme les poursuites (en train, en voiture ou à vélo) ou les évasions (qui sera le sel de Chicken Run, une autre production Aardman). À l’image d’un Miyazaki (Mon Voisin Totoro, Porco Rosso…), Lord, Sproxton et Park se plaisent à inventer des machines formidables (l’aspirateur à lapins de Wallace et Gromit et le lapin-garou), à faire voler toutes sortes d’engins (le ballon de Darwin dans Pirates: bons à rien, mauvais en tout) et à tirer de cet imaginaire débridé une poésie naïve et drôle que le public adore.

S’inscrire dans cette lignée de réalisateurs, à l’heure où la 3D devient souvent systématique, c’est un vrai choix artistique et esthétique, et jusqu’ici l’affect particulier provoqué par ce type d’animations en pâte à modeler ne semble pas prêt de se faire supplanter.

Share:
No Prew Post

Back To Blog

Leave a Comment:

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Portfolio
Portfolio
Selected Works